L’une des missions de Blue Green Planet est d’étudier les possibilités de revalorisation et de recyclage existant pour les déchets électroniques de type smartphone, tablette, ordinateur portable, etc. Jusqu’ici, nous avons réussi à trouver plusieurs manières de les revaloriser totalement ou partiellement, par exemple :

  • Des mobiles en panne ou non-fonctionnels sont utilisés en centre de formation afin que les futurs techniciens réparateurs de mobiles puissent s’entraîner dessus et en prolongent l’usage comme matériau d’apprentissage utilisé plusieurs années ;
  • D’autres mobiles sont démantelés par la société CR DIGITAL en Vendée pour y récupérer des pièces détachées encore tout à fait fonctionnelles, de la qualité d’origine prévue par les fabricants, et ces pièces sont revendues à des réparateurs mobiles écoresponsables sous le terme “pièces Seconde Vie” ;
  • D’autres mobiles encore sont revendus en ligne après avoir été éventuellement réparés AVEC des pièces Seconde Vie par le site internet Adopte Un Phone.

Nous essayons ainsi, un pas après l’autre, de construire un beau système d’économie circulaire où les mobiles ne sont pas traités comme des déchets mais comme une opportunité et un facteur de coopération inter-entreprises.

Le problème, c’est le plastique et les retardateurs de flammes

C’est loin d’être le seul mais c’est un problème qui n’est pas encore résolu aujourd’hui malgré les avancées dans le recyclage des plastiques. En cause : certaines substances chimiques comme le BROME qui est intégré dans les coques et châssis en plastique de la plupart des DEEE, en particulier des smartphones et tablettes. Le brome va permettre, au cas où votre appareil prendrait feu (par exemple à cause d’une batterie vieillissante ou percée), d’empêcher ce feu de se propager trop vite. Cela ne l’empêche pas de brûler mais ça ralentit la combustion en absorbant les atomes d’hydrogène pour qu’ils n’interagissent pas avec l’oxygène.

 

Le brome est encore autorisé car nécessaire mais son utilisation est contrôlée. Par exemple, le type de brome doit être compatible avec le polymère auquel on l’ajoute (pour préserver la solidité, etc.) et surtout il doit rester stable pendant toute la durée de vie prévue du produit (pour un portable, environ 7 ans). Malheureusement, ce sont aussi ces propriétés qui vont avoir un effet négatif sur l’environnement et la population.

L’effet du brome sur l’Homme et la Planète

La structure même du brome fait qu’il peut s’échapper du produit, et sa stabilité fait que ces fuites (faibles bien sûr) deviennent persistantes et peuvent causer une bio-accumulation. Ces fuites de brome peuvent survenir lors de fabrication des produits mais aussi lors de leur transport, de leur utilisation, de leur stockage et lorsque les produits sont jetés à la fin de leur vie.

Or, la chaîne actuelle de recyclage des mobiles (en France et ailleurs) est la suivante : collecte du mobile > déchiquetage avec ou sans récupération de la carte mère (qui est ensuite fondue pour récupérer des métaux précieux) > les confettis sont mis avec les composés dangereux à cause du brome et ne seront pas transformés > le plastique bromé finit donc soit à l’incinérateur soit à l’enfouissage.

Dans un cas comme dans l’autre, que ce soit dans le sol ou dans l’air, les particules de brome vont s’accumuler et sont nocives pour nous qui respirons et mangeons ce qu’il y a dans le sol. Les expérimentations (Linares et al., 2015) suggèrent que le brome a un effet négatif sur la fertilité et sur le développement neurologique.

Comment se débarrasser du brome en recyclant les mobiles ?

La méthode “Mise en décharge”

La première étape consiste à trier le plastique bromé et à le séparer du reste, ce que nos recycleurs en France savent faire par différents moyens mais ce n’est pas forcément le cas partout et beaucoup de mobiles vont simplement finir entiers en décharges (parfois sauvages) et le brome dans la terre. Cela concerne 40% des mobiles dans le monde (World Economic Forum et al. 2016) et présente un vrai danger pour les populations vivant près des décharges mais aussi plus loin lorsque le brome va dans les cours d’eau.

La méthode “Incinération”

C’est le traitement le plus commun aujourd’hui dans les pays développés. La meilleure technique consiste à brûler les plastiques dangereux ensemble une première fois, ce qui va relâcher des polluants organiques persistants qui peuvent aussi former du chlore bromé ; puis à faire une seconde combustion à plus de 850°C afin de “nettoyer” une partie des gaz . Le résultat, ce sont des taux de gaz suffisamment bas (en dessous de 0,1ng TEQ/N m3). Dans le reste du monde, l’incinération à ciel ouvert est bien sûr différente et permet la formation de dioxines et de furanes dangereuses.

Les méthodes “Préparer pour revaloriser”

Méthode 1 : Comme les autres pastiques, on pourrait en faire des confettis et essayer de séparer les confettis ayant du brome du reste des plastiques par les systèmes habituels (séparation par densité, rayons X fluorescence, infrarouge, spectroscopie…) mais le risque de ne pas tout attraper reste important.

Méthode 2 : On pourrait aussi essayer de diluer ces confettis bromés dans une grande quantité de confettis non-bromés pour atteindre un taux acceptable de brome sur le plastique recyclé final. Cependant, cette méthode est illégale car la loi interdit de mélanger des matériaux dangereux ou contaminés à d’autres.

Méthode 3 : Le recyclage chimique, quant à lui, consomme énormément d’énergie (jusqu’à 1100°C) afin de décomposer les polymères en monomères et en oligomères plus petits par pyrolyse ou par gazéification, pour ensuite créer d’autres composés (du carburant, des solvants…). Et là c’est intéressant car les substances dangereuses comme le brome sont alors détruites sans rejet de dioxines et furanes (Martens et Goldmann, 2016). Cette méthode n’a de sens qu’avec d’immenses volumes de déchets plastiques.

Méthode nouvelle : Sans aller trop loin techniquement, il y a aussi une approche prometteuse : la débromation par traitement hydrothermique ou des plastiques non triés peuvent être traités au niveau atomique pour détruire le lien carbone-carbone et décomposer le polymère (Zhao et al. 2019). Comparé au recyclage chimique, pas besoin de catalyseur et un temps de réaction (donc de traitement) plus court, ce qui en fait une procédure économiquement viable. Pour l’instant, elle n’est qu’à l’état de recherche.

La meilleure méthode pour le moment : “Revaloriser en réutilisant”

Dans les études concernant ce problème épineux, la question de la fin de vie des plastiques bromés est loin d’être réglée. Le Programme d’Action Européen n°7 se prononce pour l’incinération car c’est celle, comparativement, qui demande le moins d’énergie, malgré le fait que la double combustion n’est pas pratiquée partout. L’export est une dernière méthode dont nous n’avons pas parlé car il est évident que ce n’est pas une solution et l’envoi de nos déchets vers des pays en développement est aujourd’hui interdit, heureusement.

Notre recommandation, au stade actuel de nos recherches, reste de prolonger au maximum (jusqu’au bout du bout) l’utilisation d’un mobile. Au-delà des réutilisations dont nous parlions en introduction, nous accompagnons en ce moment une entreprise innovante travaillant sur un procédé de revalorisation automatisé dont nous serons heureux de vous parler début 2021.